Le droit d’auteur des agents publics : que faut-il savoir?
Face à la montée en puissance de la créativité au sein des collectivités, qu’il s’agisse de supports pédagogiques, de contenus visuels ou d’outils numériques, la maîtrise du cadre juridique applicable aux droits d’auteur dans la fonction publique est devenue incontournable.
Peut-on protéger ces créations ?Qui en est titulaire ? Que se passe-t-il en cas d’exploitation commerciale ?
Voici un éclairage juridique.
1. L’agent public est auteur… comme tout créateur
Qu’il soit fonctionnaire ou contractuel, un agent public qui conçoit une œuvre originale, c’est-à-dire portant l’empreinte de sa personnalité, reste auteur de cette œuvre au sens duCode de la propriété intellectuelle (CPI). Il bénéficie ainsi de l’ensemble des droits d’auteur, et en particulier du droit moral.
Le droit moral, inaliénable et perpétuel, comprend :
En pratique, cela signifie que même si l’administration publique utilise l’œuvre, elle doit mentionner le nom de l’auteur et respecter son intégrité.
2. La cession automatique des droits patrimoniaux… mais dans un cadre strict
Les droits patrimoniaux, qui permettent l’exploitation de l’œuvre (diffusion, reproduction, adaptation…), peuvent être automatiquement transférés à l’administration lorsque deux conditions sont réunies :
Ce mécanisme, prévu aux articlesL.131-3-1 et L.131-3-2 du CPI, permet une cession de plein droit, sans contrat, mais uniquement dans les limites de la mission de service public. Toute utilisation hors de ce cadre (diffusion à grande échelle, commercialisation, cession à un tiers…) nécessite une cession expresse et conforme aux exigences légales.
3. L’administration dispose d’un droit de préférence… en cas d’exploitation commerciale
Si l’agent souhaite exploiter lui-même commercialement l’œuvre qu’il a créée dans le cadre de ses fonctions, il doit d’abord en informer son administration. Celle-ci dispose alors d’un droit de préférence : elle peut choisir d’acquérir les droits d’exploitation commerciale en priorité.
En cas d’accord, un contrat de cession conforme aux articles L.131-3 et suivants du CPI doit être signé, précisant :
Ce contrat ouvre également la voie à une rémunération pour l’auteur, selon des modalités à déterminer (redevance, pourcentage, somme forfaitaire...).
4. L’intéressement : une juste reconnaissance de la valeur de l’œuvre
Même en dehors d’une exploitation commerciale, si la collectivité retire un avantage de l’exploitation de l’œuvre (notoriété, communication institutionnelle, économies…), l’agent peut prétendre à une rémunération complémentaire, appelée intéressement.
Ce mécanisme vise à éviter toute distorsion de concurrence : là où un acteur privé aurait dû rémunérer un créateur, la personne publique ne peut s’exonérer d’un juste retour pour son agent.
À ce jour, les modalités concrètes d’évaluation de cet intéressement ne sont pas précisément définies, ce qui justifie la mise en place de clauses écrites, en amont de la création ou lors de l’utilisation de l’œuvre.
5. Et les prestataires extérieurs ? Attention à la cession de droits !
Lorsqu’un prestataire privé (graphiste, développeur, agence de communication…) est sollicité pour contribuer à une œuvre portée par une collectivité, ses droits d’auteur ne sont pas transférés automatiquement, même s’il est rémunéré.
En l’absence de cession écrite, les droits patrimoniaux restent attachés au prestataire, ce qui empêche toute exploitation légale par la collectivité. Il est donc impératif de formaliser toute cession de droits par contrat, dans les formes prévues par l’articleL.131-3 CPI.
7. Nos recommandations pour les collectivités
✅ Informer systématiquement les agents de leurs droits et des modalités d’exploitation de leurs créations.
✅ Formaliser, même à titre déclaratif, les cas de cession automatique pour éviter les litiges.
✅ Encadrer contractuellement toute contribution d’un prestataire extérieur.
✅ Anticiper la question de l’intéressement dès la conception des projets.
✅ Mentionner le nom de l’auteur dans toute communication publique de l’œuvre.
🔐 Sécuriser juridiquement la création dans le secteur public, c’est à la fois respecter le droit des agents et protéger les intérêts de la collectivité.
Pour toute question sur la mise en œuvre concrète de ces règles dans votre structure, ou pour sécuriser vos projets créatifs, contactez le cabinet.